Les maltraitances

Toutes les formes de maltraitance englobent un aspect psychologique, dans la mesure où leur principal objectif est de blesser l’intégrité ou la dignité de l’autre (Conseil de l’Europe).

La maltraitance psychologique, morale ou émotionnelle, est très répandue, peu visible, alors même qu’elle entraîne des conséquences importantes chez les victimes. La maltraitance psychologique envers les personnes âgées ou les personnes handicapées consiste en tout acte, verbal ou non, qui porte atteinte à la dignité et à l’estime de soi d’une personne et qui menace son bien-être psychologique.

Les maltraitances psychologiques surviennent dans un rapport de domination. Elles peuvent entraîner un climat d’insécurité physique et émotionnelle. Il s’agit de tous les actes, souvent répétitifs, qui visent à :

• Rejeter la personne, la critiquer ou la dévaloriser
• L’isoler, la négliger
• Instaurer un climat de terreur, menacer, intimider
• La rendre incapable en lui imposant des exigences déraisonnables
• L’exposer à la violence

Dans les situations de maltraitance psychologique, on retrouve :

• Dévalorisation
• Manque de respect, tutoiement inadapté
• Injures, cris, insultes, intimidations, vocabulaire dégradant
• Chantage affectif, intimidations, menaces de violence ou d’abandon
• Harcèlement
• Humiliations, culpabilisation, infantilisation
• Privations de visites, empêchement de maintenir des liens sociaux et familiaux, isolement
• Délaissement, indifférence…

Parmi les signes d’alerte laissant suspecter une situation de maltraitance psychologique ou émotionnelle, notons :

• une agitation ou un bouleversement extrême
• des sentiments inexpliqués de désespoir, de culpabilité ou d’inaptitude
• un retrait inhabituel de la famille et des amis
• un malaise ou de l’anxiété en présence de certaines personnes en particulier
• une hésitation à discuter de la situation

Dans les situations de maltraitance physique on retrouve :  

• Agressions physiques (coups, gifles, griffures)
• Sévices corporels (ecchymoses, fractures, brûlures, escarres…)
• Bousculades, gestes ou soins brusques
• Alimentation forcée (gavage abusif)
• Sur- ou sous-médication
• Acharnement médical-thérapeutique
• Prescriptions en fonction des besoins des aidants professionnels ou familiaux
• Non prise en compte de la douleur
• Contentions médicales abusives…

Dans les situations de maltraitance sexuelle on retrouve :  

• Viols
• Agressions sexuelles
• Gestes déplacés
• Embrigadement dans la pornographie et la prostitution
• Dérives langagières
• Attentats à la pudeur…

La maltraitance financière est définie comme « tout acte commis sciemment en vue de l’utilisation ou de l’appropriation de ressources financières d’une personne vulnérable à son détriment, sans son consentement ou en abusant de sa confiance ou de son état de faiblesse physique ou psychologique »

La maltraitance financière consiste à priver la personne de tout ou partie de ses ressources ou de ses biens, afin d’en tirer un profit personnel.

Dans les situations de maltraitance matérielle et financière on retrouve :  

• Vol de chéquier, d’argent liquide, de carte bancaire, de pension, d’effets personnels
• Extorsion d’argent
• Restriction d’achats, économies abusives
• Détournement de fonds, fraude
• Changement de bénéficiaire de l’assurance-vie, modification de testament
• Procurations abusives
• Non restitution de la monnaie des courses
• Prêts forcés conduisant au surendettement
• Logement occupé sans droit ni titre par la famille

Elle profite :

• de l’état de vulnérabilité de la victime
• de la relation de dépendance induisant un rapport dominant/dominé
• du lien de confiance entre la victime et l’auteur

Un acte de maltraitance financière envers une victime peut être répété ou ponctuel et s’observer au travers notamment de pratiques commerciales, d’abus matériels ou financiers par sujétion ou emprise psychologique. La maltraitance financière n’est pas en tant que telle sanctionnée par la loi. Elle est sanctionnée au travers de diverses infractions pénales, et également au titre du Code la consommation (pratiques commerciales déloyales).

Les négligences sont un manque d’attention à la personne, l’abandon, des aides insuffisantes ou qui ne sont plus adaptées.

Dans les maltraitances par négligence il y un décalage fréquent entre les besoins réels de la personne âgée ou handicapée et les besoins de l’aidant. Les négligences peuvent avoir lieu sans intention de nuire, principalement par manque d’information, de connaissance, par manque de formation, par épuisement, sans le vouloir ou sans le savoir. Elles peuvent être qualifiées de négligences actives, c’est à dire avec intention de nuire, refus délibéré de répondre aux besoins.

Les négligences questionnent la dimension éthique de la relation avec un proche devenu fragile.

Dans les situations de négligence, d’abandon ou de privation on retrouve :

• Défaut répété, de soins, d’adaptation de la prise en charge de la personne au regard de son diagnostic médical
• Absence de recherche d’un consentement éclairé pour toute décision qui concerne la personne (hors situation d’urgence)
• Privation de nourriture, de boissons ou d’autres produits d’usage quotidien
• Négligence de l’hygiène corporelle et personnelle : toilettes, vêtements, logement…
• Manque de stimulations, de sorties, d’occupations
• Inaction conduisant à laisser la personne dans un état de dénuement ou d’isolement

Absence de recherche de relais ou de continuité d’intervention suite à un départ ou une rupture de prise en charge, en particulier à domicile.

Dans les situations de discrimination, on retrouve un accès difficile, dégradé ou impossible aux droits : 

• au logement
• au soin
• à l’éducation
• au travail
• aux prestations sociales
• à une information loyale et compréhensible
• au culte religieux…

qui survient lors d’une situation de vulnérabilité résultant de la situation économique, de l’apparence physique, de l’âge, d’une situation de handicap, de l’état de santé, de la perte d’autonomie…

 Dans les situations de privations ou violations de droits et des libertés, on retrouve :

• Non-respect de la vie privée
• Non-participation aux choix de vie
• Non-respect des choix clairement exprimés par la personne
• Proche ou professionnel se substituant à la personne pour répondre
• Restriction injustifiée des déplacements, des visites, des contacts avec les proches
• Interdiction ou entraves des droits civiques, de vote, de visites, de pratiques religieuses
• Abus de pouvoir
• Refuser de reconnaître le droit à vivre librement sa vie affective
• Imposer une entrée non consentie en établissement…

Environnement familial ou institutionnel violent dans lequel la personne, mineure ou majeure, est soumise à des actes, comportements ou images violents, à des menaces de violence, à des violences entre pairs, sans un degré suffisant de régulation de la part des personnes en responsabilité au sein de cet environnement.

Le phénomène de maltraitance est un phénomène complexe qui peut se manifester dans différents milieux, en institution ou au domicile même de la personne.

Lorsque des situations de maltraitance résultent, en partie, de pratiques managériales, de l’organisation et/ou du mode de gestion d’un établissement, d’un service ou d’un organisme gestionnaire, voire de restrictions ou dysfonctionnements au niveau des autorités de tutelle sur un territoire, on parle de maltraitance institutionnelle.

La maltraitance institutionnelle peut trouver son origine notamment par :

• Une politique institutionnelle inadaptée, des pratiques professionnelles ou une organisation interne restreignant les libertés des personnes accompagnées de manière excessive au regard de leurs droits fondamentaux, sans que leur état ne le justifie
• Des pratiques managériales inadaptées ou défaillantes
• Une organisation conduisant à des situations de sous-effectif ou de sous-qualification récurrentes ou pérennes
• Une politique de formation insuffisante ou inadaptée
• Une absence de régulation des violences ou négligences subies par les personnes malgré l’existence de signaux d’alerte
• Une absence d’organisation d’un circuit d’alerte et de traitement connu des personnes, de leurs proches et des intervenants, ou une absence de respect des obligations de signalement aux autorités administratives et judiciaires
• Des intimidations envers des familles ou des personnes accompagnées sous forme de menaces ou de représailles (exclusion, rétention abusive…)
• Un cadre de vie inadapté, des insuffisances en matière d’hygiène, de santé et/ou de sécurité
• Un déséquilibre flagrant entre l’importance accordée aux impératifs collectifs et institutionnels au détriment du respect des libertés individuelles et de l’effectivité de personnalisation de l’accompagnement

Maltraitances institutionnelles et responsabilités individuelles ne sont pas exclusives les unes des autres. Il revient à ceux qui analysent au cas par cas les situations de distinguer et de chercher à répondre à la fois aux comportements, pratiques, voire délits ou crimes individuels, et aux dysfonctionnements ou manquements collectifs voire généralisés qui engagent les représentations d’une société toute entière, et donc nécessitent des actions à cette échelle du corps social.